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Aux origines de notre protection sociale

Mise à jour : 25 septembre 2017

Au terme d’un long processus de débats parlementaires (20 ans), la loi du 9 avril 1898 définit les modalités de réparation des conséquences des accidents de travail dont les ouvriers sont victimes. Elle prévoit des modalités d’indemnisation qui inspirent encore le régime actuel des accidentés du travail.

Les grandes lignes des dispositions de la loi de 1898 : indemnisation forfaitaire et automaticité

Dès lors que la blessure occasionne un arrêt de travail supérieur à quatre jours, la victime perçoit une indemnisation journalière correspondant à 50% de son salaire journalier au moment de l’accident. Elle bénéficie également des soins d’un médecin qu’elle peut choisir. Le paiement des indemnités journalières (IJ) et le coût des soins (visites du médecin, bandages, soins opératoires, …) ainsi que celui des médicaments est pris en charge par l’employeur, qui peut, s’il le souhaite, s’assurer en ce sens.

Si la blessure laisse des séquelles qui handicapent l’ouvrier, une rente viagère est versée à la victime pour compenser la diminution de capacité productive que l’accident occasionne et qui se traduit, souvent, par une diminution de son salaire par rapport à celui qu’elle percevait avant l’accident. Cette rente se calcule non plus sur le salaire journalier qui précédait l’accident, mais sur la base du salaire annuel et représente également 50% de la réduction de force physique de l’ouvrier et est exprimée en pourcentage. Par exemple, les tribunaux estiment qu’une personne qui a perdu un œil a une diminution de sa capacité productive d’environ 30% ; le montant de sa rente sera de la moitié de 30%, soit 15% de son salaire annuel. Si elle percevait avant son accident un salaire annuel de 2000 francs (ce qui est l’ordre de grandeur moyen d’un salaire d’ouvrier dans les années 1880 – 1900), le montant de sa rente annuelle sera donc de 300 francs : chaque trimestre elle percevra 75 francs. Cette rente est supposée compenser, partiellement, la diminution de salaire qui risque d’être appliquée à cet ouvrier devenu borgne et dont l’activité précédant son accident n’est peut-être plus compatible avec ce handicap. S’il peut reprendre le poste qu’il occupait avant l’accident, il est probable qu’il exécute ses tâches avec moins de précision ou de rapidité, ce qui justifiera une diminution de salaire : la rente devrait alors dans ce cas compenser partiellement cette réduction. Il se peut également que son précédent poste ne soit plus compatible avec son nouvel état physique : son employeur peut alors lui proposer un autre poste et donc un autre salaire. Il est possible également que son employeur rompe le contrat, n’ayant pas de poste susceptible d’être tenu par une personne borgne.

La rente est donc une indemnisation pérenne liée à la blessure qui sera versée à vie, sauf si, l’état de la victime évolue, en bien ou en mal durant les trois ans qui suivent la consolidation de son état. Dans ce cas, le montant pourra être révisé à la hausse ou à la baisse. La rente pourra même être supprimée s’il est établi que les séquelles de l’accident n’occasionnent plus de diminution de capacité productive.

 

Même si en principe, les modalités de réparation sont suffisamment précises pour permettre un déclenchement automatique de l’indemnisation et/ou des soins, le législateur a envisagé de possibles contentieux et étendu à tous les accidentés, le droit à l’assistance judiciaire. Initialement limitée aux ouvriers travaillant dans les industries, la loi de 1898 a progressivement été élargie à l’ensemble des salariés (voir repères chronologiques). Le délai de carence de quatre jours sera supprimé en 1905 dès lors que l’arrêt de travail sera supérieur à 10 jours. Le régime d’indemnisation des accidentés du travail sera étendu en 1919 aux maladies professionnelles identifiées dans un tableau. Les modalités de protection des deux régimes seront transposées dans le cadre de la Sécurité Sociale en 1945 et les contentieux associés, progressivement rassemblés dans des juridictions dédiées.